Focus
Ypsilon éditeur
Depuis 2007, Ypsilon publie surtout de la littérature étrangère, mais aussi des livres sur la typographie et pour les enfants.
Texte extrait d’une publication du catalogue
La poésie est ce qui mérite d’être traduit.
Par exemple, ce poème de quatre vers, vieux de 1 200 ans : une montagne, une forêt, le soleil couchant qui illumine un carré de mousse. C’est un fragment de chinois littéraire qui n’est même plus prononcé comme son auteur l’aurait dit ; immuable, il restera à jamais inséparable de sa langue.
Et pourtant, quelque chose en lui l’a poussé à mener une vie nomade : s’insinuant dans la tête des lecteurs, exigeant de la compréhension – mais toujours dans les conditions propres au lecteur – suscitant une réflexion, obligeant parfois à écrire dans d’autres langues. La grande poésie vit dans un état de perpétuelle transformation, de perpétuelle traduction : le poème meurt quand il n’a plus d’endroit où aller.
Les transformations qui prennent forme sur papier – et non dans la tête des lecteurs – qui prennent le nom formel de « traductions », deviennent des êtres à part entière, qui entreprennent leurs propres errances. Certaines vivent longtemps et d’autres pas. De quelle sorte de créatures s’agit-il ? Que se passe-t-il lorsqu’un poème, autrefois chinois et qui est toujours chinois, devient un poème anglais, espagnol, français ?
Eliot Weinberger, 19 manière de regarder Wang Wei
(traduction Lise Thiollier)