Un enjeu de pensée.
Une écriture qui regarde ce qu’elle pense peut s’appeler poétique ou poésie.
Elle sait qu’elle pense ce qu’elle regarde. Ce qu’elle regarde c’est une langue dans la langue. La langue pèse sur ce savoir et le pense (étymologie commune).
Cette langue dans la langue refait la bouche qui se fait avoir : elle est refaite. Le sens commun doit lâcher prise et tombe : idole brisée, de nouvelles significations non fétichisées surgissent comme autant d’imprévus. Moment de création, un commencement, un geste inaugural qui casse la répétition, son piétinement et sa monotonie. Le fil est perdu, la voie droite perdue et le parcours per un silva oscura devient aléatoire, un dépaysement. Le texte poétique éclaireur de nouveaux chemins et son écriture comme marche, pointe la dimension même de la liberté. Le poème résiste à son époque, n’est plus enchainé au temps de ses discours, dans une défiance qui l’absente de son présent pour être plus présent dans le futur.
Jean-Luc Lavrille in « Poésie : Langue des résistances », Revue Triages n° 29 (2017)