Les États généraux permanents de la poésie, 2021
Les finalités du poème
Prévu en mai-juin 2020 mais repoussé d’un an en raison des événements liés à la Covid19, ce quatrième temps des États généraux permanents de la Poésie, « Les finalités du poème », s’est décliné à travers plusieurs événements de la Périphérie du Marché et a proposé cinq tables rondes sur la Scène de la place Saint-Sulpice en octobre 2021. Outre la poursuite de la réflexion sur deux des thématiques abordées en 2019 (-Langues de France en poésie #2 et Traduire la poésie contemporaine de langue française #2-) trois tables rondes ont été consacrées aux « finalités du poème ».
Voici, parmi d’autres, quelques questions que nous avons abordées, dans le sillage du célèbre paragraphe 6 du chapitre IV de la Poétique d’Aristote qui définissait ainsi la finalité de la poésie : Comme le fait d’imiter, ainsi que l’harmonie et le rythme, sont dans notre nature (…), dès le principe, les hommes qui avaient le plus d’aptitude naturelle pour ces choses ont, par une lente progression, donné naissance à la poésie.
– Le poème serait-il subordonné à une fin ? S’il tend vers un but, s’il obéit à une double détermination, à la fois interne (question de forme, de finalité organique avec la lyrique médiévale, les poètes baroques, puis Mallarmé, Roubaud, Hocquard…) et externe (interpellation du monde, du sacré, du politique, avec d’Aubigné, Hugo, Aragon, Pey…), le poème se limiterait-il à cette double finalité, dont la Commedia de Dante serait de nos jours encore le parangon ?
– La finalité du poème devrait-elle être perceptible ? Relèverait-elle d’un geste qui rendrait visible/invisible (?) le fait que dans le poème réalisé, le tout se devrait de justifier et de déterminer l’existence de ses parties ? Ainsi, le poème offrirait-il une manière de résolution globalisante de ce qui se donne comme dispersion, comme fragmentation d’éléments de langue porteurs d’une volonté expressive, animés du désir de faire sens à travers une pratique esthétique du langage, elle-même inscrite dans une histoire des formes d’écriture propres à une histoire poétique.
– Mais à l’inverse, privilégier un principe d’immanence dans l’écriture du poème, ne serait-ce pas masquer ce qui caractérise la langue, système structural/ré dont le poème ne peut se départir car les éléments qui le constituent en ressortissent ?
– Enfin, à qui s’adresse le poème ? La lecture du poème est-elle son horizon ? Que devient-il lorsqu’il se sépare de son auteur, lorsqu’il devient espace de lecture, matière à subir d’éventuelles transformations, performées ou autrement conduites ?
Ces questions sont restées ouvertes, et au terme de nos tables rondes elles en ont appelé d’autres. Le paradoxe de la réflexion sur les finalités, c’est sa pérennité. Ainsi, nous nous sommes souvenus des propos de Lorand Gaspar dans Approche de la parole, (Gallimard, 1978) : Le poème n’est pas une réponse à une interrogation de l’homme ou du monde. Il ne fait que creuser, aggraver le questionnement. Le moment le plus exigeant de la poésie est peut-être celui où le mouvement de la question est tel -par sa radicalité, sa nudité, sa progression irréfragable- qu’aucune réponse n’est attendue ; plutôt, toutes révèlent leur silence.