Concours de Poésie We Love Words
Le 28e Marché de la Poésie et WeLoveWords ont lancé un premier concours de poésie. Ce concours était ouvert à tous, aux conditions suivantes :
Être majeur, nous faire parvenir un texte d’au maximum 1500 signes sur le site Welovewords.com, en prose poétique ou en vers libres exclusivement.
Les trois textes seront retenus par un jury, ce dernier se réservant le droit de n’en retenir aucun ou moins de trois si la qualité des textes proposés ne correspondait pas à ses attentes.
Les textes retenus seront affichés dans l’enceinte du 28e Marché de la Poésie (Place Saint-Sulpice, Paris 6e) du jeudi 17 au dimanche 20 juin 2010. Une lecture par les auteurs se fera sur le podium du Marché le vendredi 18 juin à 17 h.
Voici les deux auteurs et textes qui ont été retenus :
Vicon
Chemin de nuit
(à Ma et mon vélo)
… venir à toi j’ai douté
j’ai étouffé
j’ai cherché entre les ombres tes traces
un chemin
qui abat tous les arbres
et qui jette toutes les pierres
encore toujours un chemin effrité dans l’herbe-nuit
des pierres tombantes
j’ai pris ce chemin
pédalé vers ce secret comme on tombe d’un réverbère
avec cette lumière froide gercée sur la façade
grésillante
pâle comme un drap froissé
à peine pâle
dans mon froid velours embué j’ai continué
j’ai roulé vers toi
partout accroché les rues, les lignes blanches
partout écartelé les croisements
j’ai roulé vers toi
éboulé ma ville éteinte
un clocher sans étoiles
et tous ces dormeurs aux mains mortes
aux ongles agonisants sur l’asphalte
qui sont partout des musiques trop sombres pour y allumer un cierge
ces dormeurs qui furent comme nous
à douter à étouffer à
manger trop de nuits
maintenant ils sont des dormeurs qui toussent la journée
mais je les ai dépassé
je me suis enfoncé à nouveau vers toi tout au bout
puis j’ai vu au creux d’une place
un carré de terre verte comme une fourrure
et j’ai repensé
aux arbres et aux dormeurs
au silence des pierres tombantes près du sol
alors
près du sol j’ai tiré une petite plaie
en tailleur
dans l’obscur
et
du coin des lèvres
parmi les cendres incertaines
j’ai vu un bar vide des verres sur la table
des verres deux fois trop grands
et cette vitre
cet autre verre où se noyait
mon vieux lycée désert
un banc
de la rosée
et comme un petit enfant qu’on serrerait dans nos bras
un petit brin d’herbe-nuit où se lovait le jour
et j’ai…
Guillaume Allardi
Je marche
Je marche en moi une Bouche qui réclame
Je marche en moi une mer qui se retire
Sur une langue de terre
Je marche Ange un peu rouge Lent dans l’air Vers la Cité.
Je marche aux alentours de la périphérie
Traversé par des ondes
Connecté à des centres
Je marche pris dans les surfaces réfléchissantes mon corps à l’envers sur la pyramide.Je marche mon sac de sang sur un Béton arméJe marche atteint au genou par un vieux rythme de rapJe marche ma silhouette
Cassée.
Je marche Vie giclée hors du néant sur le TrottoirJe marche mon écho dans les réservoirs vides Je marche tête penchée mes rêves dans la DéchargeJe marche
Bien réel
Dans la Réalité.
Je marche dans la MerdeJe marche enroulé dans la laine de la haine ordinaireJe marche ma déchirure sur le support des imagesJe marche en moi une image
Déchirée.
Je marche mon point noir au pieds des Tours AveuglesJe marche mon Nom sur la ListeJe marche en rond but en tête dans la VilleJe marche
Identifié.
Je marche ma langue maladive dans le Jardin des RectitudesJe marche en moi un cri muet qui prolonge le boulevardJe marche mon angoisse dans la Salle des CalculsJe marche mon histoire
Dans l’Histoire
Je marche enfant rêvé dans les vapeurs d’un arrière monde
Mon corps amer dans la pluie fineJe marche après les Bombes dans les TrousJe marche mon fantôme sur un champ de mines
Je marche en moi une moisson de flèches dans la boueLe goût mal oublié des baisers du MétalJe marche en moi un Printemps de limaille et de rouilleDe Tournesols de Fleurs du Mal
Je marche méditant sur les carcasses de tank
Je marche en moi les mémoires rampantes des anciennes Furies
Je marche en moi une Plaie Battante.
Je marche
Frôlé par les taxis.
Je marche en moi une digue qui débordeJe marche en moi un chant d’amour qui accélère ses râlesJe marche traversé par un chantier de destruction.
Je marche digérant l’air avancéJe marche différant l’Âge annoncéJe marche essuyant les crachats du Futur.
Je marche ma face rouge sous les ciels violentsJe marche L’œil égal Dans le jour qui empire
Je rejoins mon regard sur la ligne brûlanteJe marche dans mon corps Le Métal Assis à la Chair
Je marche mon muscle crépusculaire
Promis à la perfection blanche
De l’Acier.
Je marche
Beau un instant
Dans la Musique.
Je marche dans les choses léchées par la lumière irréelle et sublime de la Fin.
Je marche en moi une conclusion qui s’impose et un penchant pour les falaises Dieu ou pas je marche vers la lumière avec la bêtise des insectesJe marche mon pas sec d’ancêtreJe marche météore entré dans l’atmosphèreJe marche en moi un truc à détruire en marchantJe marche en moi la voix du PèreJe marche en moi un Arbre mortJe marche en moi un Age de Pierre
Qui s’effrite
En criant.
Je marche avec moi une entière Légion
D’Honneur
De nouveau Nomades Marchands de vents et de poussières.
Insatisfait Je marche après Je-ne-sais-quoiEt ce chien de trois pattes reniflant et bouffant la route avant moi.
Je marche dans tous les sensJe marche sans raisonJe marche en moi un galop dans la landeJe marche en moi un cheval
Mort à l’horizon.
Je marche
Généreux de mes bourses
Jaloux de mon essence
Je marche en moi une exigence
De tête coupée.
Je marche en moi le chant un et double de l’épée
Je marche en moi un verbe être
Je marche en moi un verbe aimer.
Je marche ma Partie jusqu’à raz de mon souffle
Détestant la Distance
Fondant sur ma Moitié
Je marche Ivre des bouillons de la Source
Prêt pour le final de la Course
Sur les Champs Elysées.
Je marche
Elève du vent
Chassé par les rafales.
Je marche
Fidèle à la Première Trahison.Je marche sur le sol repoussé de la Chute
Je marche ma Tache de Connaissance
Je marche ma descendance de singe
De reptile
De poisson.
Je marche ma race de souffrance avec le maintient et la fierté d’un dieu.
Je marche en moi un Geste élémentaire
Je marche à déflorer mon contraire
Je marche Sous la terre Mon corps inversé Vers les profondeurs.
Je marche sans pleurer les cris d’une Matière
Pétrie du bonheur de brûler
Je marche la marche de mes pères et des pères de mon père
Poussière je retournerai à la poussière Sans broncher.
Je marche sous moi un édifice d’os
Je marche
Déjà
Sommet osseux
Je marche la marche de mon fils et des fils de mon fils
Je marche la marche du Feu.
Je marche
Fou d’amour
Doublé
Multiplié
Elevé à la Puissance
Je marche en moi un nombre incalculable.
Je marche
Fragile présence
Et unique responsable
Je marche en moi l’Eternité
Je marche rien.
Rien.
Rien.
Rien.
Rien une marche morte ou très ancienne
Qui finit par
Me ressembler.