Je me souviens de fêtes de pots et d’apéros
Des nombreuses bouteilles brisées sur le carreau
Je me souviens du bruit des nuits déraisonnables
Où certains d’entre nous finissaient sous la table
Je me souviens de femmes de filles de passage
De celles qui s’implantaient dans notre paysage
La petite caissière qu’on surnommait Lily
Étalant son chagrin jusque dans notre lit
Cette pauvre Cécile qui devenait maboule
Et nous montrait ses seins sitôt qu’elle était saoule
Je me souviens des cris de ton état de crise
De toutes les décisions que jamais je n’ai prises
Tandis qu’à la maison s’installait la racaille
Je perdais la raison et bientôt mon travail
Après chaque promesse venait la récidive
Je piquais dans ton sac j’oubliais la lessive
Aujourd’hui j’ai perdu pas mal de mon prestige
De nous deux il ne reste que de lointains vestiges
Mais là dans la cuisine face à ce repas froid
Je pense à l’avenir et je suis pris d’effroi
Il faudrait inventer une éponge magique
À ce point efficace qu’elle rendrait amnésique
On sortirait du bain lavé de tout soupçon
Prêt à recommencer mais d’une autre façon
Milan Dargent, « Une éponge magique », extrait de Tu peux rêver, 2019